Ombres et Lumières
Cette exposition aurait pu s’intituler » De l’Ombre à la Lumière » telle le regard des artistes burkinabè Abou TRAORÉ et Christophe Sawadogo sur ce que traverse notre monde actuel.
Des terres brûlées, des déplacés, des explosions, des corps ensevelis, des cris, des larmes, des vols et des viols sont devenus le quotidien d’une partie invisible de notre monde. Cette Ombre est une réalité pour certains et une information pour d’autres.
En Afrique, comme ailleurs, nous vivons tous le même traumatisme et désarroi incités par cette Ombre qui plane autour de nous depuis plusieurs années.
À quand le bout du tunnel ? Au bout du tunnel se trouvera la Lumière, cette lumière qui maintient l’équilibre de notre monde.
Dans l’exposition « Ombre et Lumière » Abou TRAORÉ et Christophe Sawadogo ont tous deux abordés la thématique dans un langage artistique qui leur est propre.
TRAORÉ a travers le bronze et le bois évoque la place du forgeron dans la société africaine qui est le maintien de la paix qui est cette » Lumière » et Sawadogo qui s’exprime sur des toiles et des papiers sur cette réalité qui nous anime. Tous deux utilisent leur armes absolues qui a la création artistique pour une quête pour dénoncer cette » Ombre » mais aussi pour donner une » Lumière « .
Pour conclure : Ni EN LARA EN SARA ( restons debout) dit un proverbe africain.
Photographies de Soum Eveline Bonkoungou
et article de Saïdou Alceny Barry pour l’Observateur Paalga
Ombre et lumière: La beauté de l’art contre la barbarie
En collaboration avec l’institut français de Ouagadougou, l’Espace Kayiiri de Kader Kaboré a accueilli le 24 février 2023 l’exposition Ombre et lumière, qui met en dialogue le peintre Christophe Sawadogo et le sculpteur Abou Traoré sous la direction de la commissaire d’exposition Andal Traoré. Les couleurs et les formes y sont utilisées pour dire la situation du monde, pris entre la violence et l’espoir.
Christophe Sawadogo et Abou Traoré, ce sont deux artistes dont l’art n’est ni désincarné ni en lévitation ; il est en prise directe sur le monde dans lequel ils vivent. Christophe a exposé des peintures et des dessins qui témoignent de la vie tumultueuse et difficile des PDI, le sigle sous lequel on cache la tragédie des populations ayant fui leurs villages à cause de l’insécurité. Dans les dessins, elles sont des éclaboussures, des taches qui font foule et font silhouettes errantes aux formes indistinctes. Fantômes sur leurs propres terres, erratiques et vulnérables.
Sur la toile, les personnages sont cantonnés dans une petite et la blancheur du vide les encercle ; une façon d’exprimer la solitude de ces êtres dans ce Sahel désolé. Ici aussi, la présence du tableau La Mine où la peinture envahit tout l’espace de la toile témoigne de cette évolution sur l’omniprésence du vide dans les autres œuvres présentes.
Mais même dans ces situations sombres où l’humain semble retourner à la nuit de l’animalité, le peintre ne renonce pas à la lumière. Comment ne pas penser à Nietzsche et à sa citation « Quand tu regardes le gouffre, le gouffre aussi regarde en toi » devant le tableau intitulé Je sais d’où je viens mais je ne sais pas où je vais ? En effet, les personnages sont penchés vers des flaques qui ressemblent à des puits. Sur chaque toile, il y a des couleurs chaudes qui éclatent comme des étoiles ou des soleils. Comme dit le poète, le soleil ne se couche jamais, c’est l’homme qui choisit parfois l’ombre.
Abou Traoré a longtemps été connu pour ses sculptures aux formes géométriques comme le cubisme analytique. D’ailleurs, l’œuvre Le Piège, présente dans l’expo, est une pièce témoin de cette période. Ici, ce sont des sculptures longilignes, des personnages qui portent les traces de bandages ou des linceuls mais ils ne sont jamais esseulés, ils se soutiennent.
Les titres des œuvres sont très explicites. Lafia (bien-être) fait penser à une Piéta et son bébé vivant, debout sous son ombre protectrice ; Sutra 2 qui est polysémique peut évoquer tout autant la pudeur que l’enterrement ou la préservation de l’infamie. Kafura (rassemblement) présente trois personnages de tailles différentes, sans doute la trinité familiale.
D’ailleurs, même leurs formes pourraient faire penser aux poutres qui soutiennent les maisons dans l’architecture traditionnelle et surtout à celles de la forge. La forge est souvent un grand hangar avec un toit de chaume soutenu par beaucoup de poutres auxquelles s’adossent les forgerons pour actionner les soufflets d’où naît le feu et les objets de la civilisation, donc la lumière.
La seule œuvre qui est unique sur son socle est Kélè Djéli (le héraut de la guerre), un masque avec une tête couronnée de douilles. Même lui est contusionné comme les autres, mais il a choisi sans doute, comme certaines victimes, de se mettre au service des bourreaux et de la violence.
Ses rondes bosses torsadées jouent avec l’ombre et la lumière. Tout autant que la forme évoque la fragilité, la matière, ici le bronze, suggère la force.
Avec cette exposition, on se rend compte de la proximité des démarches des deux artistes malgré la différence de supports. En effet, les deux artistes sont arrivés, l’un avec la peinture, l’autre avec le bronze, à une expression épurée, minimaliste qui décuple l’expressivité. Après plusieurs décennies de pratique, ils en sont arrivés à ce stade ultime où le déchet du geste n’existe pas, où ni le superflu ni le manque ne sont tolérés. Saint-Exupéry disait que l’on tend vers la perfection lorsqu’on ne peut rien ajouter ni retrancher. C’est l’impression que donnent ces œuvres.
Cette expo montre que l’art est apte à parler de la violence parce que là où cette violence tend à enlaidir le monde, l’art restaure la beauté des choses et des êtres. Dostoïevski disait que la beauté sauverait le monde. Les artistes sauveront le Faso.
L’expo court jusqu’au 6 mars 2023.
Saïdou Alcény Barry